Affichage des articles dont le libellé est Histoire du disque. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Histoire du disque. Afficher tous les articles

18 mars 2010

La question de l'avenir du disque... en 1947 [document sonore INA]

Le point de vue du disquaire, du client et du collectionneur
En 1947, le journaliste Jean Thevenot effectue un reportage radiophonique à l'occasion des 70 ans de la Machine parlante (1877-1947). Il interroge un disquaire du Quartier Latin, ainsi qu'un client amateur de musiques latino-américaines et un grand collectionneur de disques. Dans ces entretiens, il est déjà question du goût des mélomanes, de l'importance de la prescription et du conseil d'un disquaire correctement formé pour cela, et de... l'avenir du disque.

Quelques extraits retranscrits de l'entretien du journaliste avec le disquaire :

1947, chez le disquaire, en haut du Boulevard Saint-Michel
Le journaliste : (s'adressant à l'auditeur) : « Il reste encore à vous parler de l’intermédiaire, de quelqu’un qui se situe entre le producteur de disque et le consommateur que vous êtes.
Alors, nous allons cette fois-ci vous faire prendre connaissance du point de vue du revendeur, que je ne sais d’ailleurs pas très bien comment appeler. Est-ce qu’on doit l’appeler un revendeur de disques ? Un marchand de disques ? Je considère que pour ceux, et ils sont assez nombreux, qui considèrent leur métier comme une sorte d’apostolat musical, ces termes de revendeur et de marchand doivent leur paraître péjoratifs. Alors, je vais à tout hasard, employer un mot que certains utilisent, ce qui peut paraître un petit peu précieux, un petit peu prétentieux , mais ce qui au fond est juste ; comme étant un néologisme, c’est à dire le mot disquaire [ouf, on y arrive enfin, que de précautions d'usage]. […] Notre micro se trouve actuellement chez un disquaire du Quartier Latin, un disquaire que connaissent très bien les étudiants et qui se trouve situé en haut du boulevard Saint-Michel, près de la rue Soufflot… »

50% classique, 50% swing, danse et chansonnettes
Le journaliste s'adressant au disquaire : « Parmi les disques qui sont […] vendus, quelle est la catégorie où la vente est la plus élevée ? D’ailleurs, est-ce qu’il y a une catégorie qui domine les autres, ou bien est-ce que la vente s’équilibre à peu près dans tous les genres ? »
Le disquaire : « Non, non, je ne crois pas, je ne crois pas, il y a peut-être, euh, de par notre situation, toute la jeunesse estudiantine évidemment est très swing, mais ça n’empêche pas toute cette jeunesse d’être à la fois swing et d’aimer la bonne musique (sic !). Alors un monsieur, un jeune homme vous demandera un disque swing, et 30 secondes après, il prendra du Bach ou du Mozart. Il sont très, très éclectiques. »
Le journaliste : « Quelles sont les proportions entre les différents genres? »
Le disquaire : « Je suis un petit peu pris au dépourvu... Je dirais, 50 % de bonne musique (re-sic), c’est-à-dire tout ce qu’est la musique classique, moderne... (avec l’accent parisien) et 50% swing, danse et chansonnettes. »
Le journaliste : « Ce qui semblerait indiquer que la proportion est à l’avantage de la musique classique ? »
Le disquaire : « Nettement, nettement… »

La question de savoir si le disque a de l’avenir
Le journaliste toujours au disquaire : « Maintenant je voudrais vous poser une dernière question, après quoi vous serez libéré de la torture du micro. […] C’est une question d’anticipation, d’ailleurs par laquelle sera amorcée ainsi une émission qui terminera notre série sur la machine parlante. Nous comptons en effet organiser un débat entre différents techniciens, un débat contradictoire sur la question de savoir si le disque a de l’avenir, ou si au contraire, il risque d’être remplacé par d’autres procédés d’enregistrements. Alors anticipons sur ce débat futur, je vous pose aujourd’hui, ici même, d’ors et déjà la question. »
Le disquaire : « Sans aucun doute dans l’avenir, le disque sera remplacé, à mon avis, par une bande sonore ou une bande magnétique, ou peut-être tout simplement une bande de papier, comme j’ai eu l’occasion de l’entendre il y a une dizaine d’années. Parce qu’à mon avis, le disque est parfait, mais le gros écueil, ce sont les coupures qui ne sont jamais très heureuses au point de vue musical… »


document INA : http://www.ina.fr/economie-et-societe/vie-economique/audio/PHD85023906/le-point-de-vue-du-disquaire-du-client-et-du-collectionneur.fr.html


Épilogue :
Le disque microsillon, qu'on appelle aussi vinyle, sera commercialisé l'année suivante en 1948 aux États-Unis par la marque Columbia.

Et en France, il faudra attendre 1960, pour que s'ouvre à Paris (le 10 mars) la première discothèque de prêt : La Discothèque Marigny, première réalisation de la Discothèque de France, dont le modèle se diffusa ensuite en intégrant le réseau de la lecture publique des bibliothèques territoriales (municipales et départementales).

Le prêt de disques a 50 ans, nous lui souhaitons
un bon anniversaire, et une longue vie ! :-)


Illustration photographique : La galette.fr, la boutique d'un disquaire probablement dans les années 50

13 mai 2009

Catalogue des appareils d'acoustique construits par Rudolph Kœnig : PBNMS #3

(la petite bibliothèque numérique de la musique et du son ; 3)


Catalogue des appareils d'acoustique / construits par Rudolph Kœnig, docteur en philosophie. Paris (27, Quai d'Anjou) : [s.n.], 1889. - 100 pages
sur la page de couverture : Expositions universelles : Londres 1862 Médaille unique, Paris 1867 Médaille d'or, Philadelphie 1867 Médaille unique


TABLE DES MATIÈRES
I. Appareils pour la production du son dans les principaux cas 11
II. Origine et nature du son 14
III. Hauteur des sons 18
IV. Timbre des sons 25
V. Propagation du son 30
VI. Vibrations simples des colonnes et masses d air, membranes, cordes, verges, plaques 33
VII. Communication des vibrations. - Vibrations des corps composés et vibrations composées dans des corps simples 36
VIII. Phénomènes résultant de la coexistence de deux ou plusieurs sons dans l’air. - Interférence. - Battements. - Sons de battements 66
IX. Méthode d’observation des vibrations sonores sans le secours de l’oreille. - Méthode graphique. - Méthode optique. - Méthode des flammes manométriques. - Méthode fondée sur l’observation des vibrations trop lentes pour être entendues mais rendues visibles par la grandeur de l’amplitude. - Méthode stroboscopique.
Méthode des poussières légères 77
X. Appareils pour la représentation mécanique des mouvements vibratoires et ondulatoires 96
XI. Quelques appareils d’acoustique d’un usage pratique 100



A propos de Karl Rudolph Koenig :

L'article Wikipédia en anglais
URL : http://en.wikipedia.org/wiki/Rudolph_Koenig

Paolo Brenni, Le triomphe de l'acoustique expérimentale: Marloye et Koenig, La Revue n°12 - Septembre 1995, consultable sur le site du Musée des Arts et Métiers
URL : http://www.arts-et-metiers.net/musee.php?P=157&id=10068&lang=fra&flash=f


source : Internet Archive : http://www.archive.org/details/catapparadacoust00koenrich
Contributeur : Smithsonian Institution Libraries

29 avril 2008

"Au clair de la lune" (1860), l'enregistrement qui fait d'Edouard-Léon Scott de Martinville, l'inventeur de la bande-son

"En fouillant dans les archives de l'Académie des sciences et à l'Institut de France, les chercheurs américains du Lawrence Berkeley National Laboratory ont donné à la France un nouvel inventeur : Edouard-Léon Scott de Martinville. Ce typographe français à l'origine de la première "bande-son" (1860), supplante de 17 ans Thomas Edison à qui l'on attribuait jusqu'alors cette invention. Le procédé d'enregistrement qui consiste à imprimer la voix sur une feuille de papier noircie par la fumée d'une lampe à huile, est effectué grâce à un appareil baptisé le phonautographe. L'invention a servi à enregistrer une version d'Au clair de la lune vraiment historique" (Charlotte Gallouin, Le Monde de la musique, 31/03/08)



Sur le site First sounds (http://www.firstsounds.org/), en plus de l'enregistrement Au clair de la lune (1860), on peut également écouter d'autres enregistrements "incunables".


Au sujet d'Édouard-Léon Scott de Martinville (1817-1879 : l'article de Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Phonautographe

Researchers Play Tune Recorded Before Edison par Josy Rosen (New York Times, 27/03/08)

24 octobre 2007

Musique et médias informatisés par Guillaume Champeau

Vu sur le blog Les catalyseurs numériques, le premier cours de Guillaume Champeau (fondateur du site Ratiatum) "Musique et Médias Informatisés : industrie musicale et numérique : mythes, risques et opportunités d'un secteur en (r)évolution industrielle" (CELSA Master 2 - Communication, Médias et Médiatisation)

http://www.slideshare.net/guest5e4ebf/cours-1-introductif
http://www.champeau.info/

28 avril 2007

Naissance de l'industrie du disque : histoire du disque #3

Emile Berliner, le concepteur du disque horizontal
1887
un chercheur allemand émigré aux États-Unis travaillant pour la firme Bell & Tainter, met au point le disque horizontal en ébonite (mélange de caoutchouc et de souffre), ce nouveau support entre en concurrence avec le cylindre.
Selon ce procédé, le tracé sonore était tout d'abord dessiné en sillon et en spirale, sur un disque de zinc recouvert d’une fine couche de cire.

1893, Emile Berliner met au point un procédé de galvanoplatie (opération qui consiste à déposer par électrolyse une couche de métal sur un support conducteur et servant de moules pour tirer des «positifs», d’abord en ébonite, puis en gomme-laque)
Selon le principe du moule à gauffre !
Un procédé très adapté à la production de masse pour le divertissement musical.

1898, Emile Berliner rentre à Hanovre (Allemagne) et crée ainsi la première fabrique de pressage de disques plats a Hambourg par galvanoplastie et fonde avec son frère, la Deutsche Grammophon Gesellschaft qui, dès 1901, s’enorgueillit d’un catalogue fabuleux: «Plus de cinq mille enregistrements dans toutes les langues du monde!»

En France, la commercialisation commence avec Henri Lioret qui lance le Lioretgraph (1893) et avec les frères Charles et Émile Pathé, qui nesont pas en reste avec ... le Pathéphone.

Après avoir fait entendre le phonographe dans les foires, les Frères Pathé constituent (1896) une petite société, qui grandit rapidement, tout en restant longtemps fidèle au cylindre, avant d'adopter le disque gravé.

Une nouvelle culture
C'est la musique qui profite surtout de cette invention, à partir de 1900.
Des stars mondiales, produit de l'industrie naissent avec la diffusion du disque.
Le ténor Enrico Caruso a été la première star du disque.


Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’y eut pas de passage net du cylindre (procédé Edison) (apprécié pour la constance de sa vitesse linéaire) au disque (procédé Cros/application Berliner) (plus maniable, moins encombrant, de classement plus facile). Mais vers 1920, le phonographe à rouleaux est complètement évincé.

Dans les années 20, arrive l'amplification
Après l'invention du microphone et du haut-parleur électriques, on entre alors véritablement dans le domaine de l'électroacoustique. Grâce à ces découvertes, les premiers disques, enregistrés à l'aide de microphones, d'amplificateurs et de transducteurs électromécaniques appelés graveurs, sont mis dans le commerce en 1924.
Les têtes de lecture électriques, alimentant un amplificateur et des haut-parleurs, commencent à se substituer aux têtes à lecture directe des gramophones traditionnels dans le courant des années 30.

L'époque des 78 tours
1927 généralisation de la vitesse de rotation du disque qui est fixée à 78 tours par minute (en anglais 78 RPM).

Dans l'entre-deux- guerres, ce sont les vedettes du music-hall telles que Joséphine Baker, Charles Trenet ou Maurice Chevalier qui font les beaux jours de l'industrie phonographique.


Dès 1938 , le philosophe polémiste (grincheux ?) Theodor W. Adorno fustigera la massification de la culture telle qu'elle se diffuse avec l'industrie du disque dans un essai prophétique "Le caractère fétiche de la musique et la régression de l'écoute" (Allia, 2001). Adorno avait une conception assez dogmatique et restreinte de la musique : Arnold Schoenberg.
Pour lui, hors de l'esthétique de la nouvelle école de Vienne tout était régression, Stravinski, comme le jazz.
On peut présumer qu'il n'aurait pas aimer non plus les clips de MTV ;-)

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale commencera l’âge d’or du disque avec 3 innovations : le microsillon, la haute-fidélité et la stéréophonie
... à suivre !

A lire :
Bruno Sébald, L'édition phonographique : 1895-1950, des débuts de la commercialisation des phonogrammes à l'apparition du microsillon, AFAS [Association des détenteurs de documents audiovisuels et sonores]

Collections de 78 tours numérisés en ligne :
>Nos "78 tours"
Plus de 5000 disques 78 tours à écouter au format MP3 classique jazz nostalogie
http://www.78-tours.net/
>Internet Archive - 78 RPMs
http://www.archive.org/details/78rpm
>Le Gramophone virtuel : Enregistrements historiques canadiens
http://www.collectionscanada.ca/4/4/index-f.html
>Here is Jazz Old Time on line
http://www.jazz-on-line.com/index.htm
>Turtle "78 RPM" Jukebox
http://turtleservices.com/jukebox.htm
>The cylinder archive
http://www.cylinder.de
>Jan's 78 RPM Record Warehouse
http://www.78rpm.hovers.nl/

Connaissez-vous d'autres sites proposant des archives sonores numérisées et accessibles en ligne ?

17 avril 2007

Le temps des inventeurs : histoire du disque #2

C'est grâce l'étude du phénomène sonore et l'expérimentation lors de nombreux travaux visant à la fixation des sons, que l'invention du phonographe pris finalement corps dans le troisième quart du 19e siècle, précisément en 1877.
Cette invention s'appuie en effet sur les innovations techniques apportées par deux précurseurs : Thomas Young et Léon Scott de Martinville

1807 Thomas Young
Esprit universel, entre "Géo Trouve-Tout et le Professeur Tournesol, Thomas Young est un homme très complet : funambule, pratiquant aussi la voltige équestre, c’est aussi un érudit : universel : il parle notamment latin, grec, français, italien persan, grec, hébreu et arabe. Accessoirement il se passionne pour la botanique, la médecine, la philosophie. ses heures perdues, il joue de nombreux instruments de musique, et publie des mémoires sur les arches des ponts, la théorie des marées, le calcul des éclipses, la charpente des vaisseaux et il fixe en 1805 les dimensions approximatives des molécules. Il fait des découvertes en égyptologie en contribuant avant Champollion au déchiffrage des hiéroglyphes . A côté de toutes ces activités, Thomas Young parvient à enregistrer les vibrations d'un son par l'intermédiaire d'une pointe, sur un cylindre tournant enduit de noir de fumée.

1857, Léon Scott de Martinville
Cet ouvrier typographe français devient inventeur après avoir été le correcteur des comptes rendus de l’Académie des Sciences. Il est notamment très marqué par les travaux de physiologie du docteur Longuet sur l’oreille humaine.

Rappelons comment fonctionne l’oreille. Celle-ci est constituée de différentes parties : pavillon, conduit, tympan, les trois osselets : marteau, enclume, étrier, la trompe d’eustache et la cochlée, le nerf auditif. C’est un système mécanico-électrique. Les ondes sonores sont dues à des variations de la pression de l’air. Elles sont transmises par le conduit auditif externe jusqu’au tympan qu’elles font vibrer. Ces vibrations sont transmises par la chaîne des osselets (marteau, enclume et étrier jusqu’aux liquides de l’oreille interne via la fenêtre ovale. Les mouvements des liquides font bouger les cils des cellules sensorielles de la cochlée. Les cellules ciliées transforment ces mouvements en messages nerveux qu’elles transmettent aux neurones qui, à leur tour, véhiculent ces informations jusqu’au cerveau.

Pour en revenir à Léon Scott de Martinville, c’est lui qui va réalisé les 1er enregistrements graphiques de vibrations sonores de la voix. Il construit un appareil, qu’il appelle le phonautographe.
Il s’agit d’une membrane vibrant sous l’effet des ondes sonores, cette membrane va entraîner stylet formé d’un poil de sanglier qui va inscrire les vibrations sur des plaques de cristal enduites de noir de fumée, se déplaçant par un mouvement d’horlogerie. Il se forme alors dans le noir de fumée un tracé transparent, facile à photographier, à conserver, à analyser.
Le phonautographe signifie étymologiquement : « il écrit la voix ».
Mais, pour Scott de Martinville, il s’agit d’écrire les sons et non de les reproduire. Pour lui le phonautographe sera utilisé comme un sténographe, pour servir par exemple à la dictée du courrier. Scott construit sans le savoir la première moitié du phonographe. Il a conçu l’enregistrement, mais il restait encore à inventer le moyen de lire le son.


1877, naissance de l’invention
Comme beaucoup d’inventions (par exemple le cinéma), elle a vu sa paternité discutée entre français et américains.
L’histoire à retenue deux noms, car en cette année 1877, Thomas Edison, aux Etats-Unis et Charles Cros en France déposent chacun de leur côté le brevet d’invention d’un procédé pour enregistrer et restituer la voix. C’est Charles Cros qui a la primeur du dépôt.

Charles Cros (1842-1888)
Est un poète et un scientifique visionnaire. Un autre esprit universel, lui aussi a plusieurs cordes à son arc : Comme chimiste, physicien, il met au point un procédé de photographie en couleur ainsi q'un télégraphe.
C. Cros fréquente les impressionnistes et les parnassiens, musicien, et poète. Il héberge Rimbaud chez lui en 1871, pendant l’épisode de la Commune de Paris. On lui doit notamment l’écriture d’un recueil de poèmes « Le coffret de santal » et un poème très connu « le hareng saur » que l’on apprend aux enfants dans les écoles. Autant dire que de son vivant Charles Cros ne fut jamais pris au sérieux. Il meurt dans la misère et l’alcoolisme.

C’est donc le 16 avril 1877 qu’il rédige une description détaillée et complète de ce qu’il nomme le paléophone (la voix du passé). Le 30 avril, il la dépose en un pli cacheté à l’Académie des sciences, sous le titre Procédé d’enregistrement et de reproduction des phénomènes perçus par l’ouïe. Citation : « Mon procédé consiste à obtenir le tracé du va-et-vient d’une membrane vibrante et à se servir de ce tracé pour reproduire le même va-et-vient avec ses relations de durée et d’intensité sur la même membrane ou sur une autre appropriée » On a donc ici les deux mouvements symétriques. La description de Charles Cros, c’était d’emblée le disque tel qu’on le connaîtra jusqu’à l’arrivée du disque compact. Mais ce n’était qu’une description, et, sans argent, Charles Cros n’avait pu réunir les cinquante francs nécessaires au brevet de son invention.

Thomas Alva Edison (1847-1931),
Car un autre inventeur lui de l’autre côté de l’Atlantique a les moyens de ses rêves. La même année, le 12 août 1877, conçoit dans ses grands ateliers de Menlo Park (le 1er centre de recherches scientifiques financé) une petite machine à cylindre et à manivelle : le phonographe. Lui n’est ni artiste ni poète mais travaille dans de nombreux domaines différents : télégraphe, électricité, téléphone.


Son système, appelé phonographe, fonctionne avec un cylindre mobile recouvert d’une mince couche d’étain et manipulé à la main, sur ce cylindre est appuyé une pointe vibrante relié à un diaphragme dont les vibrations sont amplifiées par un cône ou un entonnoir. De cette première machine sortent les premiers mots enregistrés («Mary had a little lamb»). Mary avait un petit agneau. C'est une comptine américaine. (source)


Mais l’appareil n’est pas tout de suite au point : les premiers appareils quasiment sont inaudibles
Lorsque Edison présente en 1878 son phonographe à l’Académie des sciences de Paris qui était alors l’autorité mondiale il remporte un grand succès. Pourtant c’est un échec technique, la qualité sonore laisse à désirer.
«Je doute, écrit-il, qu’il me soit jamais donné de voir un phonographe prêt à reproduire tous les discours d’une manière intelligible
Edison abandonne alors le phonographe pendant 10 ans pour se consacrer à l’électrification de la ville de New York (il fondera la General Electric). Il invente l’ampoule électrique à incandescence. Au total, Edison fait breveter au total plus de mille inventions, dont le kinétoscope (ancêtre du cinématographe, et la batterie électrique)
Partisan du courant continu sur le courant alternatif il électrocute en public des chiens, des chevaux, et même des éléphants, pour montrer les dangers mortels du courant alternatif. Finalement, contacté par l’Etat de New York il mettra au point la nouvelle machine à tuer des Etats-Unis, à base de courant alternatif, la chaise électrique. (Mais ceci est une autre histoire)

Dix ans plus tard.
Edison présente un nouvel appareil à Paris en 1889, à l’Exposition internationale que domine la toute neuve tour Eiffel. Cette fois, c’est un triomphe. Gustave Eiffel, justement, reçoit des mains d’Edison un phonographe dont il fera son jouet de salon favori et grâce auquel sa voix lui a survécu.

La question, entre Cros et Edison, de savoir qui doit être considéré comme l’inventeur du phonographe se pose encore. Chaque pays met en avant son champion. On doit reconnaître que la première réalisation effective est celle d’Edison.
Il n’empêche que la conception de Cros (la forme du disque) est beaucoup plus innovante que celle d’Edison (le rouleau), et l’avenir de l’industrie du disque lui donna raison.

Après la phase de l’invention, la phase de l’industrialisation...

Liens complémentaires
L'édition phonographique : 1895-1950, des débuts de la commercialisation des phonogrammes à l'apparition du microsillon (site de l'AFAS)
The history of phonautograph
Petite histoire de l'enregistrement
Histoire de l'enregistrement sonore
Directory of oldest recordings

Bibliographie : Histoire illustrée du phonographe / Daniel Marty. - Lausanne : EDITA ; Paris : Vilo, cop. 1979 (impr. en Suisse). - 189 p. : ill. en noir et en coul., couv. ill. ; 31 cm

11 avril 2007

"Ecrire la voix", le temps des utopies : histoire du disque #1

Du jeu collectif au jeu individuel
Dans les sociétés traditionnelles, la musique est une pratique collective associée aux fêtes, aux cérémonies, aux cultes, aux danses. Ainsi, au cours de l'Histoire, les hommes ont d'abord apprécié (et apprécient encore) la musique de façon participative soit dans un cadre sacré (fêtes religieuses) soit dans un cadre profane (concerts, bals, réjouissances populaires, fête de la musique...).
Alors, se retrancher du groupe pour apprécier en solitaire, au moyen d'un dispositif technique une suite de sons sortis de leur contexte peut paraître aberrant. Pourtant cette individualisation des conditions d’écoute de la musique est vécue depuis plus d'un siècle comme un privilège, comme un gain supplémentaire de liberté. Ce passage de l'hétéronomie à l'autonomie sera le champ de bataille entre les industries de culture de masse et les revendications pour l'expression des diversités culturelles.

Verba volent, scripta manent... no more
La possibilité d’enregistrer et restituer le son : de la musique mais aussi la voix restera comme d’une des plus grandes découvertes du XIXe siècle. Avec les innovations dédiées à la captation de l’image (cinéma, télévision...), c’est la civilisation toute entière qui présente un caractère nouveau, elle est devenue comme l'avait annoncé Herbert Marshall McLuhan foncièrement audiovisuelle. Pourtant ce qui semble une évidence dans notre quotidien est le fruit d’une évolution technologique qui a débuté réellement il y a un peu plus d’un siècle.
Cependant, comparé au livre, le disque est un objet neuf. Pendant longtemps l’adage « Les paroles s’envolent, les écrits restent » signait la suprématie de la civilisation de l’écrit, et la toute puissance de la galaxie Gutenberg. Par l’écriture, par la notation, on a pu conserver la littérature comme la musique, avec cependant d'importantes pertes d'information. Comment jouait Molière ? Comment jouait Mozart ? On a conservé leurs textes, leurs partitions, mais la voix de Molière et l’interprétation de Mozart ?

Le vieux rêve de capturer les paroles
Avant que l’on ne mette au point les techniques d’enregistrement et de reproduction des sons, on n’imaginait pas l’existence de disques on parlait de «machine parlante», l’expression dénote l’ignorance de la forme dans laquelle le rêve se concrétiserait.
« Machine parlante » : rappelons que l’usage prévu de cette invention était d’abord la captation de la voix avant celle de la musique. Le rêve de reproduire la voix correspond à une des préoccupations fondamentales des artistes et des savants : la mimesis c’est à dire l’imitation de la nature, la reproduction ou recréation du réel. C'est aussi d'abord comme pour la photographie : la fonction de conservation d’un souvenir.
Rabelais et les paroles gelées
Rabelais (1483-1553) entre Moyen-Age et Renaissance anticipait déjà avec toute sa fantaisie sur des paroles gelées.
Cliquez ici pour voir la belle animation sur le site Renaissance-France.org (le portail de la Renaissance Française). Le texte est dit par Jonathan Kerr :

Comment entre les parolles gelées, Pantagruel trouva des motz de gueule.
Chapitre LVI.

Le pilot feist responce: Seigneur, de rien ne vous effrayez. Icy est le confin de la mer glaciale, sus laquelle feut au commencement de l'hyver dernier passé grosse & felonne bataille, entre les Arismapiens, & le Nephelibates.
Lors gelèrent en l'air les parolles & crys des homes & femmes, les chaplis des masses, les hurtys des harnoys, des bardes, les hannissements des
chevaulx, & tout effroy de combat. A ceste heure la rigueur de l'hyver
passée, advenente la serenité & temperie du bon temps, elles fondent &
sont ouyes. Mais en pourrions nous voir quelqu'une. Me soubvient avoir leu que
l'orée de la montaigne en laquelle Moses receut la loy des Iuifz le peuple
voyoit les voix sensiblement. Tenez tenez (dist Pantagruel) voyez en cy qui
encores ne sont degelées. Lors nous iecta sus le tillac plènes mains de parolles
gelées, & sembloient dragée perlée de diverses couleurs. Nous y veismes des
motz de gueule, des motz de sinople, des motz de azur, des motz de sable, des
motz dorez. Les quelz estre quelque peu eschauffez entre nos mains fondoient,
comme neiges, & les oyons realement. Mais ne les entendions. Car c'estoit
languaige Barbare.
Rabelais, Le Quart Livre, chapitre 56 (début)

Le Capitaine Vosterloch et les éponges voyageuses
Un siècle plus tard en 1632, on trouve dans un pamphlet intitulé "Le courrier véritable" le récit de voyage du capitaine Vosterloch, une aventure qui se déroule dans les archipels de l'hémisphère sud. Le voyageur découvre une peuplade qui communique avec des éponges. Le message à transmettre est prononcé devant une éponge qui elle est envoyée comme un courrier. Il suffit au destinataire de presser doucement l’éponge pour que les paroles se diffusent nettement.


Cyrano de Bergerac, concepteur du podcast
Enfin ultime utopie avant l’aube des lumières, Cyrano de Bergerac en 1650 (à ne pas confondre avec le personnage fictif de la pièce d’Edmond Rostand) écrivain libertin et athée, précurseur de Voltaire et des Lumières, sous le règne de XIV dans « L’histoire comique des états et empires de la lune (1657)» formule une description avec des références à la technologie qui est une remarquable prémonition.
Extrait :
« A l'ouverture de la boîte, je trouvai dedans un je ne sais quoi de métal quasi tout semblable à nos horloges, plein d'un nombre infini de petits ressorts et de machines imperceptibles. C'est un livre à la vérité, mais c'est un livre miraculeux qui n'a ni feuillets ni caractères; enfin c'est un livre où, pour apprendre, les yeux sont inutiles; on n'a besoin que d'oreilles. Quand quelqu'un donc souhaite lire, il bande avec une grande quantité de toutes sortes de clefs, cette machine, puis il tourne l'aiguille sur le chapitre qu'il désire écouter, et au même temps il sort de cette noix comme de la bouche d'un homme, ou d'un instrument de musique, tous les sons distincts et différents qui servent, …, à l'expression du langage. Je ne m'étonnai plus de voir que les jeunes hommes de ce pays-là possédaient davantage de connaissance à seize et à dix-huit ans que les barbes grises du nôtre; car, sachant lire aussitôt que parler, ils ne sont jamais sans lecture; dans la chambre, à la promenade, en ville, en voyage, à pied, à cheval, ils peuvent avoir dans la poche, ou pendus à l'arçon de leurs selles, une trentaine de ces livres dont ils n'ont qu'à remonter un ressort pour en ouïr un chapitre seulement, ou bien plusieurs, s'ils sont en humeur d'écouter tout un livre: ainsi vous avez éternellement autour de vous tous les grands hommes, et morts ou vivants qui vous entretiennent de vive voix. »

L'ère de la musique mécanique
Au XVIIIe siècle on aboutit, grâce aux progrès de l’horlogerie à la réalisation d’automates parlants ou musiciens, et au début du XIXe siècle, on met au point le piano mécanique, l'orgue de barbarie, le limanaire. Ces appareils jouent des notes programmées sur des cylindres ou sur des cartes perforées, ils ne restituent pas les sons.
Dans la même famille de la musique mécanique, en moins volumineux, les boîtes à musique connaissent un énorme succès. Elles sont confectionnées grâce notamment aux progrès des techniques horlogères. Ces boîtes à musiques servent parfois à apprendre le chant aux canaris ! Une préoccupation assez frivole. Mais le XVIIIe siècle s’achève avec une Révolution politique en France mais aussi dans la révolution industrielle en Angleterre.
C'est réellement, au siècle suivant que l'on verra l'arrivée de découvertes scientifiques et techniques déterminantes à l'invention du phonographe...
...à suivre.